Le vendredi midi, Yumi avait pas mal de temps avant de reprendre les cours de l'après-midi, et le passait généralement au gymnase, à s’entraîner au badminton. Ce jour-là, elle était seule dans un coin de la grande salle et travaillait ses services. Surprenant vu le gabarit de la joueuse, ils étaient assez puissants, mais peu précis. Elle visait alors des points imaginaires vers là où elle voulait que le volant atterrisse. A l'autre bout du gymnase, des étudiants jouaient au volleyball. Elle ne faisait pas spécialement attention à eux, ils étaient loin et elle ne tirait pas dans leur direction. Mais du coup, elle ne vit pas non plus le ballon de volley arriver en flèche sur elle avant qu'elle ne soit frappée à la tête. Elle tituba quelques secondes, sentant une douleur dans son crâne. Elle remit en place ses lunettes qui avaient glissées au bout de son nez et se tourna vers le groupe dont plusieurs se retenaient difficilement de rire.

S'cuse, ce boulet sait pas viser! Tu nous renvoies la balle?

Yumi serra les dents. Oui, c'était sûrement un accident. Elle se trouva elle-même bien optimiste, mais préférait cela au contraire. Elle voulait aller de l'avant, pas s'enfoncer dans son mal-être. Elle ramassa donc leur balle et la jeta de toute ses forces vers eux. Encore quelques rires. Yumi décida de se retourner pour se concentrer de nouveau sur ses exercices. Mais voilà que deux minutes plus tard, elle se prit une autre balle, dans l'épaule cette fois. A nouveaux des rires étouffés, puis une voix ironique à peine cachée s'éleva.

Franchement, fait des efforts pour viser, tu vois bien qu'il y a une enfant ici. La pauvre petite va aller chercher sa môman en pleurant si tu continues!

Les rires moqueurs explosèrent et Yumi baissa la tête, en serrant fort la raquette dans sa main droite. Si seulement elle avait eu un peu de courage, elle se serait défendue, elle aurait répliqué qu'au moins elle n'avait pas besoin de rabaisser les autres pour s'élever socialement. Que leur comportement puéril les rapprochaient plus des élèves de primaire qu'elle. Que leurs rires moqueurs n'étaient qu’éphémères, les satisfaisaient quelques instants puis ils passeraient à autre chose comme si c'était anodin, puis iront s'étonner que la Corée du Sud ait le plus haut taux de suicide chez les jeunes dans le monde.

Mais Yumi n'avait pas ce courage. Elle avait peur de celui au crâne rasé et sourcils froncés, de celle qui la fixait avec un sourire sadique sur les lèvres et de celui faisant deux fois sa taille. Peur de leur réaction, peur que la violence soit encore plus physique que ça. Alors elle ne disait rien, baissait la tête et serrait les poings. Même si maintenant, elle avait été frappée 5, 6 fois par la balle de volley. Elle restait paralysée, incapable de s'échapper de l'emprise de ses bourreaux.

Alors que Yumi essayait de rassembler sa force pour s'enfuir de là, les coups de balles sur son petit corps s'arrêtèrent. Elle n'osa pas se retourner tout de suite, de peur de voir ses assaillants trop près d'elle. Quand elle sentit une grande silhouette à ses côtés, elle leva finalement son regard tremblant et croisa celui d'un inconnu. Yumi comprit qu'il ne lui voulait pas de mal, au contraire. Il avait l'air de compatir et de la soutenir. Cela lui donna un peu de force.

Les bourreaux se rapprochèrent alors en lançant des railleries. Yumi sentit le nouvel arrivant se tendre. Ils le provoquaient visiblement, et la petite n'avait aucune envie de le voir se faire battre. Elle allait tirer le garçon par la manche pour qu'ils partent le plus vite possible quand il leur répondu, faisant exploser les bullys qui se jetèrent sur lui pour le ruer de coups. Yumi recula de quelques pas, tremblante et incapable de s'interposer. Les larmes coulèrent à grand flot et elle les supplia d'arrêter.

Mais ferme là toi si tu veux pas finir comme lui!

Une puissante gifle s'écrasa sur la joue de Yumi qui s'écroula au sol. Elle serra les dents et se redressa sur les genoux. Le garçon était aussi à terre, tentant tant bien que mal de se protéger des coups. Cela sembla durer un éternité. Quand les agresseurs semblaient être las, ils ricanèrent une dernière fois.

Ça vous apprendra bande de merdes.

Quand ils ne furent plus que tous les deux dans le gymnase, Yumi se précipita à quatre pattes vers l'inconnu. Elle hésita quelques secondes, puis retourna doucement sa tête pour voir s'il était conscient. Il avait quelques hématomes qui se formaient sur son visage et la jeune fille n'osa pas imaginer l'état d reste de son corps sous son t-shirt. Elle renifla, essuya les larmes de ses yeux rouges gonflés et essaya d'articuler quelques mots.

Ça va? Non.. Ça va pas, je suis bête. Dé-désolée, c'est de ma faute... Tu-Vous m'entendez?

Elle se pinça les lèvres, se sentant affreusement mal d'avoir mis un inconnu dans une telle situation. Il fallait qu'elle apprenne à se défendre seule. Yumi se frappa la tête pour se punir d'être aussi faible et elle recommença à sangloter.